Plongeurs et photographes, passionnément

Arnaud Chicurel et Laurence Lagny plongent depuis dix ans dans les eaux de la mer Rouge. Pour mieux identifier les espèces sous-marines qu’ils peuvent y observer, ils se sont mis à la photographie qui, de fil en aiguille, est devenue une seconde passion.


Laurence Lagny :

Lorsque nous avons commencé à plonger en mer Rouge, nous étions très dépendants de l’aspect technique. Nous éprouvions des difficultés à nous orienter et ne parvenions pas à nous intéresser à ce que qui se passait autour de nous. Sous l’eau, les repères ne sont plus les mêmes ; le toucher, la vue, les sensations, la configuration de ce qui nous entoure, tout est différent. Peu à peu, nous nous sommes habitués à cette étrangeté, et nous avons pu dès lors découvrir tranquillement la faune. Plus tard, nous avons perfectionné nos techniques d’immersion en suivant différents stages avant de passer les brevets de secouriste et de guide de plongée. J’ai vraiment senti une évolution. Au début, je pensais à mes gestes, au contrôle de ma respiration et à mon équilibre. Plus aujourd’hui. Nous anticipons mieux également. Cependant nous ne plongeons jamais à plus de trente mètres. De plus, en tant que guides, nous avons interdiction d’emmener les plongeurs au-delà.

Arnaud Chicurel :

Mes premières immersions en mer Rouge ont été pour moi un choc brutal, dû à une explosion de couleurs. J’ai pénétré âprement un autre univers, un endroit aux espaces infinis. Puis j’ai suivi une progression classique. Je me suis d’abord intéressé aux sensations éprouvées, étonnamment proches des impressions ressenties en parachutisme, que je pratique depuis des années. Très vite, il m’a fallu dépasser le simple stade de la plongée et j’ai commencé la photographie. Au fil des années, une véritable connivence est née avec la mer Rouge. Nous avons appris à la lire et à la décrypter au point d’entrer en symbiose avec cet univers sous-marin. Nous y vivons notre seconde existence. La mer Rouge a une personnalité propre, elle est féminine et calme, presque humaine dans sa configuration de mer fermée, et nous ne pouvons pas l’oublier dans nos plongées.
Dès nos premières plongées, il nous est apparu que la photographie était un prolongement naturel à l’exploration subaquatique. Nous avons voulu par ce biais communiquer notre enthousiasme pour le monde sous-marin et identifier plus sûrement les espèces rencontrées. En commençant la photographie sous-marine, je suis parti d’une démarche créative et artistique puis, très rapidement, j’ai eu le désir de connaître parfaitement les espèces que nous admirions. C’est d’ailleurs ainsi que Laurence et moi avons commencé à fréquenter assidûment le Muséum d’histoire naturelle de Paris. La photographie subaquatique exige une préparation longue, tenant de l’orfèvrerie. C’est aussi une pratique astreignante. Au début, je ressentais une espèce de frustration à ne voir la faune aquatique qu’à travers l’objectif. C’était un véritable combat intérieur car je ne pouvais pas faire autrement de toute façon. Puis, peu à peu, nous avons appris à reconnaître ce qui méritait d’être photographié et ce qui n’en valait pas la peine.

Laurence Lagny :

Au contraire d’Arnaud, j’ai d’abord eu envie de faire de la photographie de reconnaissance des espèces. L’objectif m’est très rapidement devenu indispensable. Longtemps, je n’ai pas su me détacher de l’appareil. Je ne pouvais contempler la faune environnante qu’à travers le viseur. Je n’ai compris que récemment que j’accordais trop d’importance à l’image et qu’il était nécessaire également d’apprécier sans appareil photo ou vidéo. Mais lorsque je plonge, même sans caméra, j’ai l’œil dans un cadre. J’ai certainement tendance à idéaliser ce qui m’entoure.

Arnaud Chicurel :

Il y a d’ailleurs un débat sur le regard du plongeur. Nos photographies sont-elles le reflet d’une réalité ou, au contraire, la vision d’un certain idéal sous-marin ? La couleur flamboyante des poissons-clowns, celle des anémones, sont-elles authentiques ? Tout est bleuté sous l’eau. Seuls l’éclairage d’une torche puissante et le flash d’un appareil photo peuvent révéler les couleurs. Mais, encore une fois, est-ce réel ? Les fonds sous-marins continueront donc longtemps à garder une part de mystère.

En savoir davantage sur : Arnaud Chicurel & Laurence Lagny
© Transboréal : tous droits réservés, 2006-2024. Mentions légales.
Ce site, constamment enrichi par Émeric Fisset, développé par Pierre-Marie Aubertel,
a bénéficié du concours du Centre national du livre et du ministère de la Culture et de la Communication.