La conquête espagnole
L’Empire inca, dont Cuzco – le « nombril du monde » en quechua – était la capitale, se nommait le Tahuantinsuyu, ce qui signifie « les quatre directions ». Son souverain, l’Inca, était la clef de voûte de l’organisation économique, politique et religieuse de l’État. L’autorité absolue qui lui était conférée explique à la fois la puissance et les faiblesses de cet empire : en trois siècles, il s’étendit à plus de 8 millions de sujets ; en un an, il tomba sous les coups de moins de deux cents conquistadors.
L’Empire inca se développa à partir du XIIe siècle, mais son origine se perd entre légende et réalité. Aux Espagnols qui leur demandaient d’où ils venaient, les Incas répondaient par des récits mythiques. Envoyés par leur Père-Soleil pour sauver les hommes, Manco Capac et Mama Ocllo surgirent des flots du lac Titicaca. Après une longue marche vers le nord, alors qu’ils étaient parvenus à une vallée fertile, Manco enfonça dans la terre sa canne d’or qui se transforma en serpent. C’était un signe du ciel : en ce lieu il fonda Cuzco. Un autre récit évoque l’existence de quatre tribus dont une seule remporta la victoire au terme d’un terrible combat. Son chef, Manco Capac, est considéré comme un héros civilisateur et le premier Inca de la douzaine que compta la dynastie. C’est à partir du septième souverain que l’Empire réussit à imposer sa domination sur tous les peuples de la vallée de Cuzco. Sa puissance dépassa alors le cadre d’un petit État rural pour s’imposer au reste du continent. Inca Yupanqui, proclamé empereur en 1438 sous le nom de Pachacutec, « le réformateur du monde », contribua largement à son expansion. Il conquit en quelques semaines la région du lac Titicaca, celle d’Arequipa, celle enfin qui se trouve près de la frontière actuelle entre le Pérou et l’Équateur. Son fils, Topa Inca, qui lui succéda en 1471, acheva cette conquête, de Quito au nord, jusqu’au rÃo Maule, au centre du Chili.
Pour unifier leur empire, les Incas déplacèrent les tribus rebelles sur des territoires bien contrôlés, imposèrent le quechua à la place des dialectes régionaux et développèrent un efficace réseau de routes. Pour gérer les données administratives (population, réserves alimentaires, etc.), ils utilisaient les quipu, objets constitués de cordelettes avec un nombre de nœuds et une couleur variables. La société inca distinguait plusieurs classes : les nobles, les prêtres, les paysans et les artisans. Les fils des nobles provinciaux étaient envoyés à Cuzco afin d’assimiler la culture inca. Le culte du dieu Soleil était obligatoire, mais les divinités locales restaient tolérées. Chaque province conquise était divisée en trois parties : la première pour le Soleil, réservée au culte et à l’entretien du clergé ; la deuxième, pour l’empereur, servait également de caisse de secours en cas de fléau ; la troisième était annuellement répartie entre les familles. Lors du débarquement de Pizarro en 1531, une guerre fratricide entre Huascar, l’Inca légitime, et Atahualpa, le fils d’une concubine, déchirait l’Empire. À la tête d’une troupe de 180 hommes, Pizarro joua de cette rivalité, qui déboucha sur l’assassinat de Huascar par son demi-frère, pour anéantir en quelques semaines, avec 37 chevaux et des armes à feu, l’empire plusieurs fois séculaire. Atahualpa fut mis à mort en août 1533, puis les conquistadors marchèrent sur Cuzco pour s’emparer du Tahuantinsuyu.
La Conquête
L’histoire des Amériques commence avec Christophe Colomb qui, en 1493, lors de sa deuxième expédition, accompagné de 1 500 hommes à bord de 17 navires, arrive non pas aux Indes mais au seuil d’un continent inconnu, terres « vierges » que la bulle pontificale Inter Cætera, en 1493, et le traité de Tordesillas, en 1494, vont répartir entre l’Espagne et le Portugal. Les Portugais se rendent maîtres des terres situées à l’est du 50e de longitude, tandis que les Espagnols s’approprient les terres situées à l’ouest du même méridien. Une colonie s’établit, qui résiste à la convoitise des autres puissances maritimes européennes. Dès 1519, les conquistadors déferlent sur le continent américain, partant à l’assaut d’immenses empires et asservissant des millions d’Indiens en anéantissant leur civilisation. Le 16 novembre 1532, Pizarro capture Atahualpa et met fin à l’Empire inca. Grâce à la surprise causée par les chevaux et les armes à feu, il réussit avec 180 hommes à écraser 40 000 guerriers en quelques mois. De 1520 à 1540, les conquérants occupent la majeure partie des Andes centrales. Puis ils gagnent le haut Pérou et l’Amazonie, parviennent au Chili et accèdent au versant oriental des Andes. La facilité de leur conquête étonne : y contribuent entre autres la malice d’une diplomatie qui utilise les clivages tribaux et les maladies apportées d’Occident (petite vérole, rubéole, variole, syphilis), fléaux dont la propagation fulgurante au Pérou décima une partie des Indiens avant même l’assaut de Pizarro. On évalue leur population entre 30 et 50 millions à la fin du XVe siècle ; elle chute dès 1570 à 8 ou 9 et tombe à 4 ou 5 vers le milieu du XVIIe siècle. Les survivants furent réduits à la triste condition de main-d’œuvre forcée ou d’esclaves dans les mines. Si la domination économique et militaire s’exerça facilement, il fut en revanche difficile de soumettre les âmes. Les Indiens, profondément attachés à leurs croyances, n’adhéraient que superficiellement à la religion catholique et continuaient de pratiquer en secret leurs rites ancestraux. Aux populations indiennes vinrent s’ajouter peu à peu des milliers d’Européens et de Noirs. Un type nouveau apparaît, celui du métis, qui va jouer un rôle crucial dans la fin de la domination espagnole. À partir de 1812 se forment des gouvernements issus de l’indépendance. Cependant, les richesses et le pouvoir restent entre les mains des criollos (créoles), descendants des Européens.
Par Rémy Rasse & AnalÃa Rondón
Texte extrait du livre : Andes, Visions d’un peintre itinérant
En savoir davantage sur : Rémy Rasse & AnalÃa Rondón
L’Empire inca se développa à partir du XIIe siècle, mais son origine se perd entre légende et réalité. Aux Espagnols qui leur demandaient d’où ils venaient, les Incas répondaient par des récits mythiques. Envoyés par leur Père-Soleil pour sauver les hommes, Manco Capac et Mama Ocllo surgirent des flots du lac Titicaca. Après une longue marche vers le nord, alors qu’ils étaient parvenus à une vallée fertile, Manco enfonça dans la terre sa canne d’or qui se transforma en serpent. C’était un signe du ciel : en ce lieu il fonda Cuzco. Un autre récit évoque l’existence de quatre tribus dont une seule remporta la victoire au terme d’un terrible combat. Son chef, Manco Capac, est considéré comme un héros civilisateur et le premier Inca de la douzaine que compta la dynastie. C’est à partir du septième souverain que l’Empire réussit à imposer sa domination sur tous les peuples de la vallée de Cuzco. Sa puissance dépassa alors le cadre d’un petit État rural pour s’imposer au reste du continent. Inca Yupanqui, proclamé empereur en 1438 sous le nom de Pachacutec, « le réformateur du monde », contribua largement à son expansion. Il conquit en quelques semaines la région du lac Titicaca, celle d’Arequipa, celle enfin qui se trouve près de la frontière actuelle entre le Pérou et l’Équateur. Son fils, Topa Inca, qui lui succéda en 1471, acheva cette conquête, de Quito au nord, jusqu’au rÃo Maule, au centre du Chili.
Pour unifier leur empire, les Incas déplacèrent les tribus rebelles sur des territoires bien contrôlés, imposèrent le quechua à la place des dialectes régionaux et développèrent un efficace réseau de routes. Pour gérer les données administratives (population, réserves alimentaires, etc.), ils utilisaient les quipu, objets constitués de cordelettes avec un nombre de nœuds et une couleur variables. La société inca distinguait plusieurs classes : les nobles, les prêtres, les paysans et les artisans. Les fils des nobles provinciaux étaient envoyés à Cuzco afin d’assimiler la culture inca. Le culte du dieu Soleil était obligatoire, mais les divinités locales restaient tolérées. Chaque province conquise était divisée en trois parties : la première pour le Soleil, réservée au culte et à l’entretien du clergé ; la deuxième, pour l’empereur, servait également de caisse de secours en cas de fléau ; la troisième était annuellement répartie entre les familles. Lors du débarquement de Pizarro en 1531, une guerre fratricide entre Huascar, l’Inca légitime, et Atahualpa, le fils d’une concubine, déchirait l’Empire. À la tête d’une troupe de 180 hommes, Pizarro joua de cette rivalité, qui déboucha sur l’assassinat de Huascar par son demi-frère, pour anéantir en quelques semaines, avec 37 chevaux et des armes à feu, l’empire plusieurs fois séculaire. Atahualpa fut mis à mort en août 1533, puis les conquistadors marchèrent sur Cuzco pour s’emparer du Tahuantinsuyu.
La Conquête
L’histoire des Amériques commence avec Christophe Colomb qui, en 1493, lors de sa deuxième expédition, accompagné de 1 500 hommes à bord de 17 navires, arrive non pas aux Indes mais au seuil d’un continent inconnu, terres « vierges » que la bulle pontificale Inter Cætera, en 1493, et le traité de Tordesillas, en 1494, vont répartir entre l’Espagne et le Portugal. Les Portugais se rendent maîtres des terres situées à l’est du 50e de longitude, tandis que les Espagnols s’approprient les terres situées à l’ouest du même méridien. Une colonie s’établit, qui résiste à la convoitise des autres puissances maritimes européennes. Dès 1519, les conquistadors déferlent sur le continent américain, partant à l’assaut d’immenses empires et asservissant des millions d’Indiens en anéantissant leur civilisation. Le 16 novembre 1532, Pizarro capture Atahualpa et met fin à l’Empire inca. Grâce à la surprise causée par les chevaux et les armes à feu, il réussit avec 180 hommes à écraser 40 000 guerriers en quelques mois. De 1520 à 1540, les conquérants occupent la majeure partie des Andes centrales. Puis ils gagnent le haut Pérou et l’Amazonie, parviennent au Chili et accèdent au versant oriental des Andes. La facilité de leur conquête étonne : y contribuent entre autres la malice d’une diplomatie qui utilise les clivages tribaux et les maladies apportées d’Occident (petite vérole, rubéole, variole, syphilis), fléaux dont la propagation fulgurante au Pérou décima une partie des Indiens avant même l’assaut de Pizarro. On évalue leur population entre 30 et 50 millions à la fin du XVe siècle ; elle chute dès 1570 à 8 ou 9 et tombe à 4 ou 5 vers le milieu du XVIIe siècle. Les survivants furent réduits à la triste condition de main-d’œuvre forcée ou d’esclaves dans les mines. Si la domination économique et militaire s’exerça facilement, il fut en revanche difficile de soumettre les âmes. Les Indiens, profondément attachés à leurs croyances, n’adhéraient que superficiellement à la religion catholique et continuaient de pratiquer en secret leurs rites ancestraux. Aux populations indiennes vinrent s’ajouter peu à peu des milliers d’Européens et de Noirs. Un type nouveau apparaît, celui du métis, qui va jouer un rôle crucial dans la fin de la domination espagnole. À partir de 1812 se forment des gouvernements issus de l’indépendance. Cependant, les richesses et le pouvoir restent entre les mains des criollos (créoles), descendants des Européens.
Par Rémy Rasse & AnalÃa Rondón
Texte extrait du livre : Andes, Visions d’un peintre itinérant
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