Mangroves



Les mangroves sont les forêts littorales des pays tropicaux et subtropicaux qui tapissent les régions d’estuaires et les fonds de baies, où les plantes et les animaux doivent s’accommoder d’un sol souvent inondé et à forte teneur en sel. Cet écosystème, dont la surface totale est estimée à 170 000 km2, compte quarante espèces d’arbres en Nouvelle-Guinée et en Australie mais huit seulement le long de l’Atlantique. Les palétuviers les plus typiques sont ceux du genre Rhizophora, au tronc soutenu par des racines aériennes disposées en faisceau. L’eau de mer est filtrée par leurs radicules, le trop plein de sel est exsudé par leurs feuilles et fixé à leur revers sous forme de cristaux. L’oxygénation, rendue difficile par la présence de soufre dans la vase, est assurée par les excroissances des racines, les pneumatophores, creux et tubulaires. Les palétuviers ont un mode de reproduction original, proche du système vivipare : une graine germe sur une branche ; devenue plante, elle tombe et est emportée à marée haute avant de se ficher en terre. L’obstacle qu’un sol trop sulfureux représente à l’épanouissement d’une jeune pousse est ainsi surmonté. Les mangroves constituent un écosystème à part entière. Elles abritent une faune adaptée à la vie amphibie et des poissons de récifs coralliens en phase juvénile. Ils y apprécient l’eau plus douce, la protection des racines enchevêtrées et une manne venue des branchages ou contenue dans la vase pour pallier leur inexpérience de la chasse. Le périophtalme est l’une des créatures les plus étonnantes des mangroves. Ce petit poisson, de la famille des gobies, parvient à séjourner hors de l’eau : des sacs spongieux situés sous les branchies font office de poumons, les nageoires pectorales et la queue lui permettent de sautiller ou de ramper à la recherche d’insectes, de vers ou de mollusques ; ses yeux ont la faculté de corriger l’indice de réfraction entre l’air et l’eau.
Les forêts littorales ont un rôle dans l’équilibre naturel et économique de vastes régions. Elles libèrent des nutriments que les courants charrient vers le large et les coraux, créent un rempart aux avancées de l’océan, constituent une réserve de bois de bonne qualité, très riche en tanin. Pourtant, elles sont en recul dans beaucoup de pays. Souvent considérées comme des foyers de paludisme, elles sont également victimes des extensions urbaines et des ponctions excessives de leurs ressources. Les mangroves du Sinaï sont les plus septentrionales du bassin Indo-Pacifique et leur aire se limite à deux endroits, Ras-Mohammed et Nabq, où elles sont protégées mais demeurent accessibles en voiture. Dans le premier, la végétation dont l’épaisseur n’excède guère quelques mètres borde un détroit mesurant un kilomètre de long, où elle bénéficie de la résurgence d’eau de source. À Nabq, elle s’étend sur cinq kilomètres et forme parfois des bosquets isolés de la côte. Les mangroves situées à l’embouchure de Wadi Kid sont les plus denses ; bien que le lit de la rivière soit sec quasiment en permanence, il draine vraisemblablement de l’eau souterraine.

Par Arnaud Chicurel & Laurence Lagny
Texte extrait du livre : Sinaï, Visions de plongeurs en mer Rouge
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