Rémy Rasse

Argentine :

« C’est sur le territoire de la puna argentine, dans les deux provinces de Salta et Jujuy, que je mène mes études de paysages les plus approfondies. Seul ou en compagnie d’un guide, je vais de village en village. Les écoles rurales m’offrent spontanément un lieu de repos et de création. Chaque année, je découvre des paysages insolites. Coutumier du bivouac dans les cabanes précaires des transhumants ou dans des grottes naturelles, j’emporte comme seule nourriture de la farine avec du sel, de la graisse animale et du bicarbonate pour faire des tortillas, galettes de blé cuites à même la braise. J’achète à un éleveur quelques quartiers de viande de lama, sans oublier les feuilles de coca pour couper la soif et la faim, et la précieuse pupusa, plante très efficace contre le mal d’altitude. Je peux alors m’aventurer dans les zones les plus isolées. Il m’arrive de croiser un berger avec son chien et ses lamas, intrigué de voir un étranger. Il est toujours difficile de faire comprendre mon but ; peindre est une chose trop abstraite. Un homme qui chemine solitaire en pleine Cordillère, sans troupeau ni marchandises, ne peut être qu’un chercheur d’or ou un missionnaire. Me voyant avec mes cartons et mes pinceaux, il aura tendance à croire que je viens établir des relevés géologiques pour trouver un filon ou une pépite géante. C’est toujours une déconvenue pour lui que de me voir chercher, avec mes pinceaux et mes couleurs, dans les cieux et non sur la terre l’or caché des Andes. »