Un autre espace-temps :
« La bicyclette permet l?exploration du monde ? vitesse humaine, ni trop lente pour qu?on se lasse, ni trop rapide pour qu?on soit frustr?. Elle offre le compromis id?al entre progression et d?couverte. On s?en rend d?autant plus compte lorsqu?on croise des voyageurs qui ont choisi un moyen de transport diff?rent. ? Wanganui, en Nouvelle-Z?lande, je venais de terminer une belle journ?e lorsque je rencontrai un Fran?ais qui voyageait en camping-car. L?endroit baignait d?j? dans la douceur vesp?rale lorsqu?il arriva ? mes c?t?s. Le jeune homme m?expliqua qu?il ?faisait? les sites touristiques majeurs du pays dans le but de r?diger des comptes-rendus pour ses amis internautes. Il ajouta qu?il devrait revenir visiter plus tard, car il n?avait pas le temps cette fois-ci. Il me demanda conseil pour les jours suivants. Je lui sugg?rai de longer la rivi?re Wanganui, pour ?viter la route principale et plonger dans le c?ur et l?esprit du pays. Mais, paradoxalement, ? lui qui roulait vingt fois plus vite que moi, le temps manquait.
? l?inverse, le cyclonomade poss?de ce bien si rare ? notre ?poque o? chaque minute est compt?e. L?adage africain selon lequel les Occidentaux poss?dent la montre et les Africains le temps peut s?appliquer sans aucun doute ? l?amateur du voyage ? v?lo. Si la montre a disparu de son poignet, ce n?est pas pour une question esth?tique mais bien parce que le temps ne lui importe pas ou peu. Son voyage est rythm? par le cycle naturel. La caresse du soleil qui baigne la tente le r?veille?; son intensit? le renseigne sur la m?t?o. Lorsque l?astre s?appr?te ? dispara?tre derri?re les montagnes en nimbant leur contour d?un halo, le cyclovoyageur se glisse sous son abri de toile. Il s?ensuit une nuit sans cauchemar, sans angoisse ni aucun trouble. Il r?ve de pentes douces, de pluie fra?che ou de soleil, de rencontres et de sourires. Il ne vit plus ? la cadence des horaires impos?s par la soci?t? mais au rythme du soleil et des saisons. L?heure, le jour et les mois disparaissent de sa vie, le temps lui appartient, il devient un homme libre. La nature fait son ?uvre sur son disciple. Ce n?est pas soumission mais plut?t accommodement. Plusieurs mois sont n?cessaires pour parvenir ? cet ?tat, mais une fois arriv? ? ce stade, on est au fa?te de la pl?nitude. Les nuits sont ininterrompues et les r?veils sans douleur. Le seul d?sir du cycliste est alors de repartir sur les routes pour continuer ? vivre au diapason de son environnement. Le temps est aboli?; seul l?espace compte.
Apr?s un voyage, le cyclonomade est parfois emport? par la nostalgie. Photos d?une r?gion travers?e, reportage radiophonique o? l?on reconna?t des bruits de rue, magazine faisant sa une sur un pays connu??: mille d?tails lui rappellent sa vie d?errance. Lui reviennent en m?moire les odeurs, le froid matinal, la puret? d?un ciel, le sourire d?un commer?ant. Son esprit s??gare dans la reconstitution d??v?nements marquants?: l??prouvante ascension de plusieurs jours entre Lima et La?Oroya au P?rou, la journ?e vent?e entre Taupo et Te?Kuiti en Nouvelle-Z?lande, la sortie du village de Kuk?s en Albanie, les lacets de la piste plongeant dans la vall?e d?Howraman en Iran. Alors, l?envie de repartir le reprend, et il plonge ses yeux sur la carte qui domine son bureau. Son index vagabonde sur des routes inexistantes et son imagination suit son cours, libre de parcourir des terres encore inconnues. Le v?lo attend sereinement. Du jour o? il l?a remis? dans le garage ou la cage d?escalier, le voyageur sait que l?heure viendra o? il repartira. Il ne s?est pas tromp?. Conscient que la bicyclette fa?onne son ?tre ou son couple, le cyclonomade repart tr?s vite sur les routes avec l?espoir d?y trouver le bonheur escompt?. Ainsi en va-t-il du tao du v?lo?: il promet la sagesse aussi bien aux amoureux en errance qu?au randonneur solitaire. »
Ma fid?le compagne (p.?23-26)
Par le sang donn? (p.?74-76)
Extrait court
« La bicyclette permet l?exploration du monde ? vitesse humaine, ni trop lente pour qu?on se lasse, ni trop rapide pour qu?on soit frustr?. Elle offre le compromis id?al entre progression et d?couverte. On s?en rend d?autant plus compte lorsqu?on croise des voyageurs qui ont choisi un moyen de transport diff?rent. ? Wanganui, en Nouvelle-Z?lande, je venais de terminer une belle journ?e lorsque je rencontrai un Fran?ais qui voyageait en camping-car. L?endroit baignait d?j? dans la douceur vesp?rale lorsqu?il arriva ? mes c?t?s. Le jeune homme m?expliqua qu?il ?faisait? les sites touristiques majeurs du pays dans le but de r?diger des comptes-rendus pour ses amis internautes. Il ajouta qu?il devrait revenir visiter plus tard, car il n?avait pas le temps cette fois-ci. Il me demanda conseil pour les jours suivants. Je lui sugg?rai de longer la rivi?re Wanganui, pour ?viter la route principale et plonger dans le c?ur et l?esprit du pays. Mais, paradoxalement, ? lui qui roulait vingt fois plus vite que moi, le temps manquait.
? l?inverse, le cyclonomade poss?de ce bien si rare ? notre ?poque o? chaque minute est compt?e. L?adage africain selon lequel les Occidentaux poss?dent la montre et les Africains le temps peut s?appliquer sans aucun doute ? l?amateur du voyage ? v?lo. Si la montre a disparu de son poignet, ce n?est pas pour une question esth?tique mais bien parce que le temps ne lui importe pas ou peu. Son voyage est rythm? par le cycle naturel. La caresse du soleil qui baigne la tente le r?veille?; son intensit? le renseigne sur la m?t?o. Lorsque l?astre s?appr?te ? dispara?tre derri?re les montagnes en nimbant leur contour d?un halo, le cyclovoyageur se glisse sous son abri de toile. Il s?ensuit une nuit sans cauchemar, sans angoisse ni aucun trouble. Il r?ve de pentes douces, de pluie fra?che ou de soleil, de rencontres et de sourires. Il ne vit plus ? la cadence des horaires impos?s par la soci?t? mais au rythme du soleil et des saisons. L?heure, le jour et les mois disparaissent de sa vie, le temps lui appartient, il devient un homme libre. La nature fait son ?uvre sur son disciple. Ce n?est pas soumission mais plut?t accommodement. Plusieurs mois sont n?cessaires pour parvenir ? cet ?tat, mais une fois arriv? ? ce stade, on est au fa?te de la pl?nitude. Les nuits sont ininterrompues et les r?veils sans douleur. Le seul d?sir du cycliste est alors de repartir sur les routes pour continuer ? vivre au diapason de son environnement. Le temps est aboli?; seul l?espace compte.
Apr?s un voyage, le cyclonomade est parfois emport? par la nostalgie. Photos d?une r?gion travers?e, reportage radiophonique o? l?on reconna?t des bruits de rue, magazine faisant sa une sur un pays connu??: mille d?tails lui rappellent sa vie d?errance. Lui reviennent en m?moire les odeurs, le froid matinal, la puret? d?un ciel, le sourire d?un commer?ant. Son esprit s??gare dans la reconstitution d??v?nements marquants?: l??prouvante ascension de plusieurs jours entre Lima et La?Oroya au P?rou, la journ?e vent?e entre Taupo et Te?Kuiti en Nouvelle-Z?lande, la sortie du village de Kuk?s en Albanie, les lacets de la piste plongeant dans la vall?e d?Howraman en Iran. Alors, l?envie de repartir le reprend, et il plonge ses yeux sur la carte qui domine son bureau. Son index vagabonde sur des routes inexistantes et son imagination suit son cours, libre de parcourir des terres encore inconnues. Le v?lo attend sereinement. Du jour o? il l?a remis? dans le garage ou la cage d?escalier, le voyageur sait que l?heure viendra o? il repartira. Il ne s?est pas tromp?. Conscient que la bicyclette fa?onne son ?tre ou son couple, le cyclonomade repart tr?s vite sur les routes avec l?espoir d?y trouver le bonheur escompt?. Ainsi en va-t-il du tao du v?lo?: il promet la sagesse aussi bien aux amoureux en errance qu?au randonneur solitaire. »
(p.?86-89)
Ma fid?le compagne (p.?23-26)
Par le sang donn? (p.?74-76)
Extrait court