Collection « Sillages »

  • Dans les pas de l?Ours
  • Au gr? du Yukon
  • Damien autour du monde
  • Maelstr
  • Unghalak
  • Au vent des Kerguelen
  • Grand Hiver (Le)
  • Voie des glaces (La)
  • Atalaya
  • Par les sentiers de la soie
  • P?lerin d?Orient
  • Volta (La)
  • Nomade du Grand Nord
  • Souffleur de bambou (Le)
  • Seule sur le Transsib?rien
  • Kamtchatka
  • Sous les yourtes de Mongolie
  • P?lerin d?Occident
  • Au c?ur de l?Inde
  • Cavalier des steppes
  • Sous l?aile du Grand Corbeau
  • Sib?riennes
  • Au pays des hommes-fleurs
  • Voyage au bout de la soif
  • Coureur des bois
  • Errance am?rindienne
  • ? l?auberge de l?Orient
  • Sans escale
  • Esp?ritu Pampa
  • Aux quatre vents de la Patagonie
  • Rivages de l?Est
  • Solitudes australes
  • Sur la route again
  • Road Angels
  • ? l??coute de l?Inde
  • Siberia
  • Brasil
  • Route du th? (La)
  • Diagonale eurasienne
  • Routes de la foi (Les)
  • Aborig?nes
  • Odyss?e am?rindienne (L?)
  • ?me du Gange (L?)
  • L?ours est mon ma?tre
  • Arctic Dream
  • Tu seras un homme
  • Ivre de steppes
  • P?lerin de Shikoku (Le)
  • Carpates
  • Moi, Naraa, femme de Mongolie
  • ? l?ombre de l?Ararat
  • Cavali?res
  • Habiter l?Antarctique
  • ?sland
  • La 2CV vagabonde
  • Namaste
Couverture
Le phare du bout du monde :

« ??Santa Maria di Leuca?? Pas du tout, avait corrig? une arch?ologue rencontr?e ? Martina Franca?: saint Pierre a d?barqu? pr?s de Tarente, ? San Pietro in Bevagna. Des fouilles ont mis au jour?
On compte probablement autant de ?vrais lieux du d?barquement de saint Pierre? en Italie que de ?vrais lieux du bapt?me de J?sus? sur le Jourdain.
Je rejoins la c?te ? Otrante, dont le cap marque le point le plus oriental d?Italie. Le vent souffle en temp?te sur la vieille ville fortifi?e et soul?ve une mer hach?e qui vient se briser avec fracas sur le m?le du port et d?ferle en arcs de cercle g?n?reux sur la plage qui s??tend au nord des murailles. ? l?aube, la ligne de cr?te des monts d?Albanie se profile sur le ciel orang?, ? moins de 40?milles vers l?est. Otrante, sentinelle d?Occident et dont le nom, je ne sais pourquoi, sonne famili?rement ? mes oreilles. Je lui trouve un air de trompette, de clameur triomphale, d?oriflammes claquant en t?te de m?t et de voiles gonfl?es par le vent.
Dans la cath?drale romane des Bienheureux-Martyrs, qui rappelle la sobri?t? de celle de Trani, une extraordinaire mosa?que du XIIe?si?cle couvre le sol des trois nefs. Environ 600?figures ? hommes, animaux et chim?res ? illustrent autour d?un arbre du Bien et du Mal l?histoire de l?homme et de la Cr?ation depuis la chute jusqu?? la r?demption, en m?lant aux sc?nes de l?Ancien Testament des mythes profanes comme celui du roi Arthur ou du voyage d?Alexandre le Grand au paradis.
Bizarrement, aucune repr?sentation du Christ, et c?est peut-?tre cette absence qui sauva la mosa?que de la destruction par les musulmans ? l?issue de la prise de la ville en 1480. Les Turcs d?Ahmed Pacha s?acharn?rent sur les fresques, mais ne s?en content?rent pas?; ils pill?rent, saccag?rent. Ils massacr?rent aussi les rescap?s du si?ge.
??? moins que vous n?abjuriez, et alors vous aurez la vie sauve. L?un apr?s l?autre, huit cents hommes refus?rent et furent d?capit?s. Leurs ossements sont expos?s derri?re des vitrines dans sept armoires de noyer dispos?es au fond d?une chapelle. Moi qui ne crains pas de dormir dans les cimeti?res, je d?tourne le regard car je me souviens d?un vieux rabbin ? la barbe blanche qui guidait un groupe de visiteurs au m?morial de Yad Vashem ? J?rusalem. Devant des photos montrant des hommes et des femmes nus au bord d?une fosse d?un camp d?extermination, il leur disait?:
??On ne devrait pas montrer une telle infamie. M?me ici. Les photos qui se trouvent dans mon dos, je refuse de les regarder et vous supplie d?agir de m?me. Il ne s?agit pas de nier, mais songez seulement?: si c??tait votre p?re, si c??tait votre m?re qui ?taient l?, tremblants, humili?s, ? quelques secondes d?une mort horrible, accepteriez-vous de lever les yeux sur eux?? Accepteriez-vous qu?ils soient livr?s en p?ture au regard des autres??
La pudeur.
Encore tr?s vivace, le souvenir de ces hommes subsiste dans la ville d?aujourd?hui. Et le politiquement ou islamiquement correct n?a pas encore atteint ce coin recul? des Pouilles?: sur une esplanade, face ? la mer, s??l?ve une statue de bronze brandissant une croix et d?di?e ?aux martyrs d?Otrante par l?Italie reconnaissante?.
La reprise de la ville, l?ann?e suivante, ne mit pas un terme aux incursions des Turcs et des Barbaresques. Les habitants du Salento renforc?rent leurs d?fenses, et il reste de leurs peurs et de leur r?solution un long chapelet de tours de guet dont j??gr?ne de loin en loin les ruines massives sur la c?te rocheuse et d?coup?e qui file jusqu?? l?extr?mit? de la terre.

Mardi 16?octobre. Le bout du bout, quatre mois jour pour jour apr?s le d?part de Paris. Une toute petite journ?e, moins de 25?kilom?tres que je savoure en suivant les ?chancrures de la c?te sur la route d?serte. O? est le cap?? Est-ce celui-ci?? est-ce celui-l??? Au loin progressent les cargos qui embouquent le canal d?Otrante ou en sortent. Il y a une heure encore, les falaises de calcaire chutaient dans la mer ?meraude, 100?m?tres en contrebas. ? pr?sent, le relief s?est assagi.
Au d?tour de la route appara?t enfin la silhouette du phare de Santa Maria di Leuca dans le ciel limpide, sa lanterne coiff?e de noir pos?e sur une collerette de pierre et le long f?t octogonal flanqu? de la maison des gardiens, caress? par la lueur douce et dor?e du soleil de fin d?apr?s-midi. Un phare de roman de Jules Verne, plant? sur un cap rocheux et dominant la mer qui scintille ? ses pieds. Le phare du bout du monde.
Quatre mois tout ronds, exactement ce qu?il m?avait fallu pour atteindre Istanbul?: une co?ncidence que je n?ai pas cherch?e, quoique je sois ravi d?y voir la sym?trie d?un jardin ? la fran?aise. ? la vue de ce bout du monde rel?gu? au bas de ma carte et qui ressemble ? une cime, j??prouve une br?ve jubilation, quelque chose qui s?apparente ? la satisfaction du travail bien fait. La joie d?un succ?s que ne vient pas ternir la sati?t? qui suit les triomphes puisque, tout en atteignant ce but longtemps r?v?, je demeure en chemin vers Rome?: le bonheur d?arriver tout en restant en mouvement.
Cependant, le contentement fugitif qui m?a saisi ? la vue du phare ne m?aveugle pas sur la futilit? et la vanit? de ce que j?ai accompli. Aller ? pied jusqu?au Finibus terr??? La belle affaire?! Et saint Pierre?: que suis-je venu chercher ici qui le concerne et qui me concerne aussi??
? 100?m?tres en retrait du phare s??l?ve la basilique construite, dit-on, sur les ruines d?un temple de Minerve. Plusieurs fois d?truite, ? chaque fois reb?tie. Le XIIIe?si?cle lui donna l?allure d?une forteresse pour la cacher aux pirates qui l?avaient plusieurs fois saccag?e. ? l?int?rieur, un bas-relief orne la chaire, montrant l?ap?tre devant les portiques effondr?s, d?signant d?une main la statue abattue de la d?esse et brandissant l?autre vers le ciel, exaltant les v?rit?s d?en haut pour un groupe de disciples. Le temple, rapporte la tradition, se serait ?croul? au moment o? l?ap?tre aurait abord? le rivage.
Saint Pierre a-t-il vraiment d?barqu? ? Leuca?? Pour ?tre franc, lorsque j?examine la disposition de ce bout de terre ? une baie assez ouverte le long d?une c?te rocheuse entre deux caps ac?r?s, pas de port naturellement abrit? sinon quelques criques minuscules ?, je me dis que seule une fortune de mer a pu pousser l?ap?tre vers ce rivage, alors que les lignes commerciales qu?empruntaient les voyageurs de son temps aboutissaient ? des ports v?ritables comme Brindisi ou Otrante, d?o? partaient ensuite les voies principales de l?Empire. Vrai, pas vrai?? Ou m?me vraisemblable?? Quelle diff?rence par rapport aux plus hauts lieux saints de Palestine?! Pour le Saint-S?pulcre ou la basilique de la Nativit? ? Bethl?em, du moins y a-t-il un assentiment g?n?ral.
Mais qui sait?? Les fortunes de mer ?taient fr?quentes et tout n??tait s?rement pas pr?vu avec la rationalit? que nous permet le recul des ann?es. De toute fa?on, je n?y attache pas beaucoup d?importance. Je n?ai pas le culte des lieux car ?l?heure vient o? ce n?est ni sur cette montagne, ni ? J?rusalem, que vous adorerez le P?re, mais en esprit et en v?rit?? (Jean, IV, 21-23).
Plus qu?un lieu, je suis venu chercher un chemin symbolique en compagnie de l?ap?tre. Voil? pourquoi Rome ne suffisait pas, et pourquoi le voyage m?aurait paru incomplet si je n??tais venu jusqu?ici. Alors peu importe si la d?votion ? saint Pierre semble anecdotique au village de Leuca et si, sur le front de mer, des surfeurs s?essaient aujourd?hui dans les rouleaux. »
(p.?255-258)

Un passant du clair de lune (p.?11-13)
V?nus et la Th?ba?de (p.?126-153)
Extrait court
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