L?erg de Bilma ? La sensualit? des dunes :

« En fin de journ?e, les files chameli?res s?engagent dans une passe longue et abrupte. Les dromadaires peinent dans les mont?es escarp?es, aussi faut-il r?guli?rement crapahuter devant eux pour faire la trace ? la main dans le sable croulant. La descente est tout aussi p?rilleuse pour ces animaux tr?s hauts sur pattes, et ils s?y avancent souvent avec r?ticence. Les charges tanguent, les soles ripent ou parviennent malgr? leur portance ? s?enfoncer dans la dune meuble. En fonction du terrain, la b?te peut ?viter la ligne de plus grande pente et zigzaguer pour atteindre la plaine qui s?pare du prochain cordon, orient? d?est en ouest, en travers de notre route. Les teintes chaudes du couchant embellissent la sc?ne, et j?en oublie la p?nibilit? pour n?en retenir que la biblique beaut??: les b?tes s??brouent, jaugent l?effort ? fournir et repartent ? l?assaut de la colline qui se d?robe, les hommes cassent l?ar?te de la dune, marquent la sente, et les femmes envoil?es de tissus multicolores pressent le pas, tirent les longes, rassurent les enfants en ?quilibre au sommet des immenses selles touboues? Le bivouac est d?cid? dans un intercordon large et aride?: peu de fourrage pour les b?tes, repas frugal pour les hommes. La lune pleine et haute ?claire nos modestes campements ?parpill?s ? l?abri d?une barre de sable. Le sommeil est entrecoup? par les bruits nocturnes, la mastication des ruminants, leurs r?les, les pleurs des enfants et les paroles rassurantes des m?res attentives. Ces ?pop?es saisonni?res sont rudes ? vivre et la r?sistance des petits, filles et gar?ons, est exemplaire. Une le?on d?endurance qui serait salutaire ? nos bambins surprot?g?s, avachis et blas?s?
Le d?part ne fut jamais auroral pendant cette exp?dition. Les t?ches ne manquent pas au r?veil autour des rejetons, des chameaux et des bagages. L?un des dromadaires d?Aza?n a une articulation post?rieure d?mise, et ? maintes reprises il faudra ligaturer le pli du jarret de la pauvre b?te afin de l?aider ? poursuivre, quasiment d?lest?e de ses fardeaux. Les effets sont de bric et de broc, rien ? voir avec les charges bien ficel?es ou les ballots des Touaregs. Les emballages sont h?t?roclites et plus ou moins solides?: il y a des valises aux fermetures bris?es, des bidons perc?s ou mal calfeutr?s de chanvre, des chambres ? air de camion transform?es en outres douteuses pour une eau au go?t caoutchouteux. Les faix sont en g?n?ral dispos?s de part et d?autre d?une selle touboue terke, b?t ordinaire utilis? par les hommes et les enfants?: deux fourches, avant et arri?re, reli?es par quatre traverses, le tout en bois et amorti par des tampons en fibre de palmiers. Cette selle simple diff?re de la terikh ouvrag?e des Touaregs qui se place sur l?avant de la bosse, et ressemble plus ? un si?ge. Le bassour employ? par les femmes est incroyablement volumineux et encombrant. Il couvre le dos du dromadaire, et est surmont? d?arceaux ligatur?s de cuir qui servent de garde-fous pour les b?b?s, renfort ?ventuellement rehauss? d?une structure l?g?re pour arrimer un dais de toile. Les chameaux qui supportent cet ?quipage sont des costauds?; le bassour g?te dangereusement dans les d?nivel?s?; il re?oit plusieurs personnes et des provisions. La b?te d?Aza?n, qui l?accepte, est ?norme, avec une t?te immense et un blat?rement rocailleux?! ? quelques encablures du d?part, notre h?te donne la main ? sa femme pour l?aider ? grimper en selle?: il s?agenouille d?une jambe ? la mani?re d?un chevalier adoub? afin de former avec l?autre un escalier qui permet ? la dame de monter par l?encolure. Notre caravane est pr?c?d?e par celle d?El?hadj Shaha, serr?e de pr?s par le groupe des femmes et poursuivie par d?autres entit?s. »

L?entr?e dans le T?n?r? ? Vertige horizontal (p.?40-43)
Le Sahel ? Tresser la paille (p.?118-121)
Extrait court