M?diterran, Un an de route et d??changes
Julie Sibony

??Peut-on aller jusqu?? parler d?une culture commune, d?une identit? m?diterran?enne??
Je n?ai pas la pr?tention de pouvoir r?pondre de fa?on d?finitive ? une aussi vaste question, sur laquelle m?me les sp?cialistes s??charpent, mais j?ai eu envie d?aller y voir de plus pr?s pour tenter de collecter, par un proc?d? ludique et subjectif, ce que pourraient ?tre les composantes d?une telle identit?. En ao?t?2004, je suis donc partie sur les routes avec Axelle Hutchings, une amie qui partage mon go?t du voyage et de la M?diterran?e, et nous avons mis un an pour en faire le tour dans une petite camionnette verte. Tout au long du chemin, nous avons troqu? des objets au gr? de nos rencontres, en les faisant passer de mains en mains et de pays en pays. Nous proposions aux gens de nous donner quelque chose qui, pour eux, repr?sentait la M?diterran?e, que ce soit par son histoire, son usage, sa provenance, sa texture ou son pouvoir suggestif, sans que jamais n?entre en compte aucune valeur marchande. Parties de Paris avec un plant d?olivier, nous l?avons ?chang? ? Gibraltar contre un premier objet, ? son tour ?chang? plus loin contre un deuxi?me, et ainsi de suite jusqu?? former au bout d?un an une cha?ne de 85?trocs?: 85?rencontres et autant de regards sur la M?diterran?e.
Ces objets ? ? l?exception du dernier d?entre eux, fruit de tous les trocs pr?c?dents ? ne sont plus en notre possession?; nous les avons sem?s en chemin comme autant de cailloux au bord de la mer. Mais avant d??tre c?d?, chacun a ?t? photographi?, et cette collection d?images constitue aujourd?hui le plus fid?le des carnets de voyage, scandant le r?cit de notre itin?raire et dessinant en filigrane les rencontres qui ont nourri notre route. Futiles ou essentiels, ?vidents ou incongrus, po?tiques ou terre ? terre, ces objets dressent ensemble un portrait composite et al?atoire de la M?diterran?e, telle qu?elle est per?ue par ses habitants. Ils sont aussi la mat?rialisation de la cha?ne humaine que nous avons tiss?e d??tape en ?tape?: chaque personne est li?e ? la pr?c?dente ainsi qu?? la suivante par l?interm?diaire de l?objet ?chang?. Et puisque aujourd?hui les marchandises circulent plus facilement que les hommes en M?diterran?e, nous avons voulu r?tablir ainsi, m?me symboliquement, un lien continu entre les populations du Bassin, aussi t?nu soit-il.??