Collection « Visions »

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Couverture
Finir en cabane :

« Les rares personnes qui rendent visite ? Sacha ? l?embouchure de la Kharguino le connaissent sous son surnom de ?Colonel original?. Sur le bord de la rivi?re plant?e de bouleaux, il s?est install? dans une belle isba de bois ? l?emplacement d?un village de b?cherons d?sert? dans les ann?es?1950, ?? la mort de Staline?. Sacha vit de sa retraite, de p?che, de chasse et s?octroie de temps en temps une vir?e ? Irkoutsk ? bord de son UAZ, par la piste foresti?re qui raccorde son isba ? la route goudronn?e. Pour le reste, il n?a besoin de personne. La grandeur des lieux et son petit jardin lui suffisent. ?La beaut? sauvera le monde?!??: Sacha a fait sien l?aphorisme de Fedor Mikha?lovitch Dosto?evski. Sa maison ressemble ? une didascalie de Tchekhov?: le samovar bout, un bouquet d?aneth s?che sur la table, un canot de bois repose sur le flanc, une oie claironne dans les baliveaux. L?hiver, la rivi?re d?borde, g?le et transforme les abords de l?isba en un parvis lact? h?riss? de bouleaux. ? notre arriv?e, Sacha ach?ve de replier ses filets et, servant le th?, confie son histoire. ?J??tais dans la chasse sovi?tique, je pilotais des Sukhoi, j?aurais d? prendre ma retraite ? Moscou, mais je pr?f?re ?tre heureux ici que bien log? l?-bas.? Le soir, l?ancien colonel qui a visit? Sofia, Berlin et Leningrad, assis sur son banc de bois, go?te, les yeux mi-clos, la magn?tique respiration du lac. Le silence pose sa cloche sur les cama?eux de la plaine liquide. Un doux sourire ne quitte jamais Sacha. L?arm?e Rouge produit de beaux retrait?s. La simplicit? volontaire conf?re ? la vie foresti?re une valeur que la vie urbaine ne peut offrir. Dans le b?ton, la course au bien-?tre commande de ?poss?der plus?. Ici, il ne s?agit que de vivre mieux.
La vie en cabane est un rem?de ? toute peine. On conna?t le mot de Voiture?: ?Le vrai secret pour avoir de la sant? et de la gaiet? est que le corps soit agit? et que l?esprit se repose.? La cabane offre cela. Un fardeau de t?ches qui vous occupent huit heures par jour. Deux fen?tres ouvertes sur un lac ? sillonner sans fin. Bref, la possibilit? d?une vie avec le corps occup?, l?esprit disponible, l??me apais?e. Question finale?: est-il heureux, le peuple des cabanes?? Plus heureux que le peuple des villes?? Le recours aux for?ts garantit-il le bonheur?? Souvent, le citadin juge l?ermite, crie au fou, lui tient une fielleuse rigueur de son amour pour la solitude. Surtout, sentence supr?me, il lui reproche d?avoir fui. Aux yeux de ceux qui y restent, fuir la termiti?re est une d?sertion. (Les rats quittent le navire parce qu?ils sont les plus intelligents.) La fuite, c?est le nom donn? par les ensabl?s au chemin qui conduit les audacieux vers l??panouissement d?eux-m?mes. Parfois, devant le spectacle d?une cabane post?e sur le talus ba?kalien, me vient l?id?e qu?elle se tient hors du temps, hors de l?histoire. Et que, poss?dant son univers autonome ? le territoire de chasse, de p?che et de coupe ?, elle est exclue du monde. Dans une sotie superbe, L?szl??F. F?ld?nyi imagine que ?Dosto?evski lit Hegel en Sib?rie et fond en larmes? (c?est le titre du livre). La raison de son chagrin?? Le conceptualiste allemand, dans sa Le?on sur la philosophie de l?histoire, ?crit que ?la morphologie du pays n?est pas propice ? une culture historique ou ? devenir un acteur particulier de l?histoire?. Voil? pourquoi Fedor s?effondre?: Hegel lui d?nie sa place dans le temps des hommes. Il exclut le peuple sib?rien de la marche du monde. Il fait de la Sib?rie un non-lieu, lui refuse son inscription dans la modernit?. Les larmes de Dosto?evski sont ?tranges?: il semblerait qu?il y a l? plut?t un compliment et de quoi se r?jouir. N?a-t-on pas envie de la c?l?brer, cette terre ?loign?e des rivages humains, o? lever quatre murs de rondins pour inventer sa vie reste chose possible?? »
(p.?124-127)

La fin du miracle (p.?38-41)
Le go?t de la nature (p.?104-105)
Extrait court
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