À Jarreng Tenda, au bord du fleuve Gambie – Gambie
Année 2023
© Lucas Lepage
Avant-propos :
« Bizarrement, à chaque retour de voyage j’essaie de me rappeler les raisons qui ont motivé mon départ. Et dans la plupart des cas, je trouve leur origine dans les livres.
Aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours projeté dans la vie romanesque des grands voyageurs des siècles passés. Dans ce domaine, l’école donne très tôt du grain à moudre à qui sait lire entre les lignes insipides des cahiers d’histoire. Il suffisait d’un peu d’imagination pour deviner les exploits qui se cachaient derrière les discours soporifiques de nos instituteurs. Le soir en rentrant chez moi, je repensais souvent aux odyssées héroïques abordées le jour même. J’entrais dans Babylone avec Alexandre, chevauchais les steppes mongoles avec Gengis Khan, traversais l’Asie centrale avec Marco Polo. Mais il m’en fallait plus pour apaiser mon insatiable besoin d’évasion. L’exhaustivité de mon “Encyclo” (des éditions Bordas) permettait alors de prolonger depuis ma chambre l’exaltation que m’avaient procurée en classe les grands récits épiques. Un service après-vente de choix qui m’offrait en un seul volume toujours plus de détails croustillants sur les exploits de mes aventuriers. Ainsi, la découverte de l’Atlas catalan révéla mon amour des cartes, la mise au jour de l’énigmatique pierre de Rosette aiguisa mon appétence pour l’histoire et les gravures de Delaporte mon goût de l’iconographie de voyage.
Mes premiers professeurs de français fignolèrent le travail en me prodiguant de précieux conseils de lecture : les merveilleux contes des Mille et Une Nuits, les œuvres de Jules Verne, de Melville et de Defoe.
Parmi mes sources d’inspiration, il y a donc les conquérants de tout poil, cartographes ou botanistes, militaires ou négociants, qui défrichèrent de leurs pas les futures grandes routes marchandes puis les voies modernes de communication. Il y a les intrépides marins qui ont corroboré la rotondité de la Terre. Mesdames Pfeiffer, Maillart, Schwarzenbach et David-Néel tenaient compagnie à messieurs Loti, Kessel et Cendrars sur ma table de chevet. Plus tard, Lévi-Strauss m’ouvrit les portes de l’ethnologie ; Monod m’apprit le voyage sobre. »
La 2CV vagabonde, De la France au Laos
(p. 13-14, Transboréal, 2024)