Village de Mae On – province de Chiang Mai (Thaïlande)
Année 2013
© Natchayarat Pattinan
Avant-propos :
« La Laponie, avec ses sautes de climat, ses cheminements sauvages, sa beauté brute, ses lumières inouïes, sa flore à profusion, ses solitudes monastiques et sa gabegie de lacs constitue assurément une expérience totale qui pousse le corps à ses limites sans cesser heureusement de charmer l’esprit.
Il m’est ainsi arrivé d’y marcher vingt-quatre heures d’affilée, tant ses beautés aimantaient ma curiosité jusqu’au déraisonnable. C’est le cocon de sa sensualité ambiante qui nourrissait des jambes, on peut l’imaginer, plus que réticentes.
Cinq fois il m’a été donné de séjourner sous ces hautes latitudes, tantôt en mai, tantôt en juin, juillet ou août, et d’y constater comment l’hiver peut défier le printemps au mois de juin, lorsqu’un nouvel embâcle suit, contre toute attente, la débâcle et que des milliers d’oiseaux, revenus trop tôt, meurent par l’espoir fallacieux d’une nidification hâtive.
L’hiver, lui, se manifeste parfois au mois d’août, illustrant sans fard ce que l’expression “brièveté de l’été arctique” signifie. Et encore est-il des lieux près de la mer de Barents où la notion géographique d’été n’existe pas, la température moyenne des mois dits estivaux restant inférieure à ce que les géographes définissent comme seuil ! Comment ne pas évoquer aussi la confrontation quasi constante avec les moustiques qui, en certains lieux, rendent, par leur bourdonnement, toute concentration difficile. Leur nombre et leur variété ainsi que l’âpreté du climat sont les gardiens du sanctuaire lapon.
Mais si l’on parvient à se les concilier, il devient possible de vivre des moments marquants dans des paysages exaltants : canyons vertigineux, fleuves immenses, côtes du bout du monde dont les grèves caillouteuses arborent sporadiquement quelque ossature baleinière, profils glaciaires saisissants, colonies d’oiseaux de mer incomparables, rivières d’un bleu parfait courant dans des vallées verdoyantes.
Les aménités ornithologiques, spécialement dans la toundra, ravissent l’observateur par leur familiarité : rassemblements de plusieurs couvées de lagopèdes qui détalent sous le pied en criaillements inattendus ; piqués du labbe à longue queue pour essayer d’obtenir sa provende ; acrobaties aquatiques du phalarope ou piaillements du bruant des neiges?
La Laponie, c’est toutefois plus que cette somme de beautés à haute dilution ; c’est une atmosphère toute particulière qui ouvre l’individu à des réflexions nouvelles. Comme le désert, elle est une terre propice à la méditation. Il n’est guère étonnant que des auteurs tels que Frison-Roche aient trouvé leur inspiration dans trois milieux apparemment distincts et pourtant proches au niveau vibratoire : Sahara, Alpes et Laponie. »
Révélation dans la taïga
(p. 11-13, Transboréal, ? Voyage en poche », 2014)