Bordeaux – Gironde (France)
Année 2013
© Elytis
Comment est né mon jardin :
« Lors d’une conversation à bâtons rompus, un magnolia, ce seigneur du grand ordre des arbres, me racontait un jour que, trônant en majesté dans un espace clos – par la suite appelé jardin –, il se sentait bien seul. Je lui répondais alors, en une quinzaine d’années, par le truchement de quelques amis végétaux qui allaient l’accompagner dans son règne : un noisetier tortueux, un pommier du Japon, un arbre de Judée – dont les fleurs apparaissent directement sur le tronc. J’y ajoutais un Prunus, un lilas, un sophora pleureur, des roseaux. Mais aussi Fatsia et Tetrapanax – des plantes tout droit sorties du Jurassique ! –, deux glycines dont le parfum des fleurs s’impose dans tout jardin, une variété d’Actinidia aux feuilles tricolores, vert, blanc et rose, étrangement ciselées, puis Carex et autres graminées graphiques. Derrière lui naissait une petite bambouseraie, comme une frontière pour mieux s’isoler de l’environnement. Des topiaires de buis, tels des points ponctuant le discours, ont peu à peu colonisé le lieu.
Mais dans ce ballet vert, j’ai souhaité la présence d’un genre attirant davantage le regard : Acer palmatum, l’érable du Japon. Une douzaine d’espèces s’embrasent à l’automne et s’affirment de manière péremptoire. Avec leur petite taille et la diversité de leurs couleurs, ces modèles réduits d’érables greffés font des hôtes particulièrement bien adaptés aux villes. Ils sont proportionnés aux dimensions qu’impose une règle immuable d’urba?nisme : occuper l’espace et bâtir, avec comme corollaire une place réduite pour les plantes. La ville, telle une jungle grisonnante, a ceci de commun avec la nature : elle a horreur du vide.
Enfin, des espèces se sont imposées, à mon insu. L’une d’elles ne trouve pas grâce à mes yeux, Fragaria vesca, le fraisier des bois, qui, par marcottage naturel, a la stupéfiante capacité de s’étendre bien au-delà que de raison. »
La Tentation du jardin, Petit florilège sur l’art de cultiver les plaisirs verts
(p. 11-12, Transboréal, ? Petite philosophie du voyage », 2018)