Frédéric Gilbert

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Mont Ante au-dessus du village de Vrulje – Ă®le de Kornat (Croatie)
Année 2010
© FrĂ©dĂ©ric Gilbert
Kayakiste diplĂ´mĂ© d’État. Éducateur au parc naturel rĂ©gional des Landes de Gascogne.

Se faire centaure des mers :


« Ne vous est-il jamais arrivĂ© d’ĂŞtre confrontĂ© à cette perte de repères, jambes emprisonnĂ©es et abandonnĂ©es, fesses et hanches calĂ©es et bras en quĂŞte d’appuis improbables ? De dĂ©couvrir la gĂ®te et le tangage ? D’ĂŞtre soumis au mouvement alĂ©atoire des masses d’eau ? Tous les kayakistes ont connu ces premiers moments dĂ©licats. Faut-il descendre d’une famille d’acrobates ou de funambules pour prĂ©tendre naviguer sans souci ? À fleur d’eau, tous ceux qui ont vĂ©cu ce drĂ´le d’Ă©tat instable s’en sont vite accommodĂ©s. Les techniques de propulsion et d’Ă©quilibre s’acquièrent en quelques jours et compensent vite la puissance des bras, qui ne s’acquiert qu’après quelques semaines. Mais pour autant, il ne faut pas croire que tout terrien puisse, par enchantement, se muer en homme de mer. Le kayakiste joue du bassin pour gĂ®ter son kayak ou utilise son assiette afin d’estomper la force des courants. Sur le clapot croisĂ©, il amĂ©liore le contact de ses jambes avec le bateau. Sur le grand swell, il use de sa pagaie pour franchir les vagues ou se maintenir dans les creux par des appuis suspendus ou en poussĂ©e. Il oriente et stabilise simultanĂ©ment son bateau en un seul geste de propulsion. Souplesse, Ă©lasticitĂ©, rĂ©activitĂ©, coordination : bientĂ´t l’aisance !
Dans ma constante recherche d’Ă©quilibre sur un monde fluide, je maĂ®trise l’embarcation par l’acquisition de repères kinesthĂ©siques spĂ©cifiques. Au point de vivre parfois un dĂ©collage inattendu qui transcende ma progression nautique rampante. Au point d’Ă©prouver la sensation de ressembler à un centaure marin, au tronc d’homme mais au bassin prolongĂ© d’une Ă©trave, aux mains greffĂ©es de pales. Mon allure nautique saccadĂ©e me donne parfois des airs de poisson flottant aux nageoires clignotantes. Enfin, je mesure à quel point le kayakiste est seul, seul maĂ®tre à bord. Et s’il n’est certes pas un grand capitaine, parfois mĂŞme sujet au mal de mer, il mesure les risques d’insolation, d’hypothermie ou de noyade et, “marin à l’effort”, est mĂŞme confrontĂ© à la dĂ©shydratation, à l’hypoglycĂ©mie, aux crampes, à la tendinite, voire à la bursite. Ce drĂ´le de marin, face à lui-mĂŞme, recherche en permanence l’adĂ©quation entre dĂ©sir, aptitudes et rĂ©alitĂ© mouvante du milieu oĂą il Ă©volue. »


Extrait de :

/La SimplicitĂ© du kayak, Petites leçons d’Ă©quilibre et d’intimitĂ© avec l’Ă©lĂ©ment marin
(p. 22-23, TransborĂ©al, ? Petite philosophie du voyage Â», 2013, rĂ©Ă©d. 2018)

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