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Tahiti – PolynĂ©sie (France)
Année 2004
© Olivier Gargominy
Chercheur au MusĂ©um national d’histoire naturelle, spĂ©cialiste de la biologie de la conservation.

Des gorilles sur l’OffouĂ© :


« Assis dans le fond de la pirogue, nous bougeons le moins possible. Nous sommes si bas sur l’eau qu’il suffit de tendre les doigts pour en toucher la surface. La chaleur et le silence invitent à la somnolence. PortĂ©s par le courant, nous descendons l’OffouĂ©, au cœur de la forĂŞt gabonaise. La dense vĂ©gĂ©tation des rives est aussi impressionnante et pleine de promesses que dans les rĂ©cits des explorateurs que je lisais enfant. Brusquement, un chuchotement pressant : “Regarde, là, à gauche, sur la berge ! — OĂą ça ? — Là, juste là !” Sur un tronc inclinĂ© au-dessus de l’eau, un python de dimensions respectables s’offre à nos regards. Nous passons à quelques mètres, hypnotisĂ©s, mais un mouvement trop brusque l’alerte : il se laisse tomber dans l’eau boueuse oĂą il disparaĂ®t. Prudemment, nous Ă©loignons nos mains de l’eau, mais restons Ă©poustouflĂ©s par cette vision fugace. Quel serpent Ă©norme ! S’il nous avait entendus plus tĂ´t, nous ne l’aurions jamais vu. À cĂ´tĂ© de combien d’autres sommes-nous passĂ©s sans le savoir ? Nous en discutons, enthousiastes, puis sommes repris par le spectacle de la forĂŞt qui dĂ©file. La navigation se poursuit, rythmĂ©e par le piroguier qui, d’une main, donne un coup de pagaie lorsqu’il faut Ă©viter un obstacle, et, de l’autre, pĂŞche avec une canne rudimentaire des poissons qui finissent à nos pieds. Le soleil et l’immobilitĂ© aidant, la lente torpeur nous reprend peu à peu. Nous en sortons lorsqu’une odeur musquĂ©e, caractĂ©ristique, se fraie un chemin vers nos sens assoupis : des gorilles ! Nous fouillons du regard les troncs, les branches, les berges, les murs de feuilles qui nous entourent. Dans cette exubĂ©rance, on peut passer à cĂ´tĂ© d’un Ă©lĂ©phant sans le voir, aussi guettons-nous le moindre mouvement dans les feuillages qui trahirait une prĂ©sence. Il suffisait d’attendre : après le coude suivant, un groupe de gorilles se nourrit à dĂ©couvert sur la rive. Surpris par notre arrivĂ©e silencieuse, ils se dressent pour nous regarder passer, un brin d’herbe encore au coin de la bouche. Échange furtif de regards ; un jeune tambourine sur sa poitrine pour la forme. C’est fini, le courant nous a emportĂ©s hors de vue. Pas de photo, seul reste le souvenir, prĂ©gnant, de cet instant privilĂ©giĂ©. »


Extrait de :

La Quête du naturaliste, Petites observations sur la beauté et la diversité du vivant
(p. 11-13, TransborĂ©al, ? Petite philosophie du voyage Â», 2011, rĂ©Ă©d. 2023)

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