Dijon (France)
Année 2009
© ClĂ©mentine Mouret
Au-delà du dessin :
« Par une fin d’après-midi pluvieuse du cĂ´tĂ© de Tournus, j’Ă©tais ainsi posĂ©e sur le banc trop neuf d’un lotissement fraĂ®chement sorti de terre. Non que j’aie un goĂ»t particulier pour les lotissements mais il poussait, à l’angle d’un jardin, certain buisson de chèvrefeuille bruissant d’abeilles dont le parfum plus doux qu’un baiser m’arrivait par vagues. Foin de la mĂ©tĂ©o, ce buisson m’appelait. Il s’agissait de capturer en quelques traits le bruissement, le parfum et le baiser. Le baiser surtout. La fatigue d’une journĂ©e de marche diluait les couleurs au moins autant que l’eau de mon gobelet? J’Ă©tais absorbĂ©e dans un dĂ©licat mĂ©lange d’ocre et de vermillon quand deux enfants survinrent, perchĂ©s sur des vĂ©los trop grands pour eux, qui s’enquirent gravement de ce que je faisais sur ce banc, de si j’Ă©tais perdue, et pourquoi mon sac avait l’air si lourd. Nous discutâmes chèvrefeuille, dessin et marche à pied dix bonnes minutes avant que le garçonnet – je me souviens qu’il s’appelait Maxime – ne conclue que tout ceci Ă©tait Ă©trange mais que chacun faisait bien à sa guise, et ne tire de sa poche un gâteau sec un peu poussiĂ©reux qu’il me tendit avec un sourire anxieux. À son grand soulagement, je dĂ©clinai l’offre : c’Ă©tait là son quatre-heures, voyez-vous, et il n’avait que deux biscuits.
Le dessin fut ratĂ© mais qu’importe ? Il y avait pour moi, ce jour-là sur la route, un petit garçon de 6 ans prĂŞt à partager son goĂ»ter. »
Les Bonheurs de l’aquarelle, Petite invitation à la peinture vagabonde
(p. 28-29, Transboréal, ? Petite philosophie du voyage », 2009, 4e éd. 2023)