À pied à travers la Mongolie (I)

Marc Alaux et Laurent Barroo ont traversé en 2001 la Mongolie d’est en ouest.


4. De Tchoïbalsan à Baruun-Urt : – 12 °C, c’est frais pour un mois de mai


Le vent de sable qui souffle sur la ville et l’ambiance carcérale de notre hôtel nous poussent à quitter Tchoïbalsan deux jours après notre arrivée. Courbés sous le poids du sac, nous traversons la capitale de la province de Dornod, non sans faire une pause à l’abri d’un lugubre mémorial de style stalinien. Là, nos regards accompagnent la charge héroïque de la statue du cavalier mongol, sabre au clair. Nous franchissons le fleuve Kherlen. Mais, très vite, le poids de notre matériel entrave notre progression ; le moindre mouvement nous est pénible. Chargés comme nous le sommes, prendre une photo relève de l’exploit sportif. Est-il bien utile de mentionner les bourrasques de vent qui pèsent sur nos épaules et nous déséquilibrent ? Chaque pas est une secousse qui enfonce davantage les trente kilos de barda sur nos hanches.
Les trois premiers jours sont difficiles. Nous ne pouvons marcher plus d’une heure sans éprouver le besoin de nous reposer. La neige et le froid rendent plus difficile encore notre mise en route. Nos sacs de couchage en duvet, pourtant efficaces jusqu’à – 18 °C, ne nous tiennent guère chaud sous la tente. Un matin, à 10 heures, Laurent regarde son thermomètre et s’exclame : « Ça se réchauffe, il ne fait plus que – 12 °C ! » Voilà qui est frais pour un mois de mai ! Les randonneurs expérimentés que nous étions en France s’égareraient-ils sur la terre de Gengis khan ? Les nomades allaient nous prouver le contraire. Ce qui chez nous doit être acheté par le voyageur est ici offert d’instinct. D’un simple regard, le nomade lit votre fatigue, devine vos besoins et souvent les devance. En plus de l’eau que nous lui demandons, l’éleveur nous offre toujours le gîte et le couvert. De sorte que les nuits sous la yourte se succèdent à la lueur des bougies, dans l’envoûtant fumet du tabac, du mouton et de l’argal qui brûle dans l’âtre. Chacun nous présente ce qu’il a de plus cher – sa famille et son troupeau – et de plus précieux : nos mains se saisissent ainsi d’une kalachnikov exterminatrice de marmottes ou d’une pétoire à silex centenaire ; nos doigts palpent respectueusement la tabatière et le poignard en argent d’un ancêtre, font vibrer les cordes d’une vielle ou tournent les pages du livre de prières, écrit en mongol classique, d’un lama. Ce florilège de rencontres rend les journées plus courtes. Déjà nous voyons poindre les cheminées sans fumée de Baruun-Urt, capitale de la province de Sükhbaatar. Nous avons parcouru deux cents kilomètres.


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