À pied à travers la Mongolie (I)

Marc Alaux et Laurent Barroo ont traversé en 2001 la Mongolie d’est en ouest.


2. Là où l’âme mongole conquiert


Derrière la cuirasse de mes rangers et de mes vêtements techniques, je ne reste pas insensible aux difficultés rencontrées par les citadins d’Oulan-Bator. Le devrais-je d’ailleurs ? Ne voyage-t-on pas pour ouvrir les yeux, pour s’ouvrir à l’autre et saisir, en mesurant son regard, les différences qui font de nous des êtres destinés à lier connaissance ?
Le « Héros rouge », Oulan-Bator la guerrière, m’envoûte ; son charme rude me touche avec autant de finesse que celui d’une femme. Et pourtant, c’est une cité repoussante où le vent recouvre tout d’une asphyxiante chape de poussière. Ni le nez, ni la bouche, ni les yeux, irrités par le sable, n’en sont épargnés. À l’approche des quartiers nord, l’odeur poignante et repoussante à la fois incommode le touriste aux poches pleines de dollars. Mais le cœur se serre et la main tremble en se tendant vers les gamins à l’allure de ramoneurs.
Ville éblouissante dont le faste s’émousse à peine. Les crevasses de la place centrale n’enlèvent rien à l’allure des lieux et du « Héros rouge », Sükhbaatar, statufié. Ici, l’individu n’a de place qu’intégré au groupe, solidaire comme les colonnes de la façade de l’opéra. Ville trépidante aussi, à la population jeune et souriante, dont les habits traditionnels chamarrés se mêlent aux uniformes des policiers et aux tee-shirts punks des adolescents. Tout va vite. Oulan-Bator change à vue d’œil. Les grues des chantiers portent et pivotent, les trous sont creusés et rebouchés, les voitures foncent et encombrent pourtant les artères. Ville attirante. Qui n’a pas vu les femmes mongoles ignore la beauté. Qui n’a pas été transpercé par leur regard noir et brillant ne saurait chanter l’amour ! Ainsi pourrait parler le poète, ainsi parlerai-je aussi : les Mongoles sont belles et fières.
Son origine nomade et religieuse fait le caractère de la métropole qu’est devenue Oulan-Bator. Tout a en effet commencé très modestement sur les rives de la Tuul. Au XVIIe siècle, le Bouddha vivant (personnage le plus important de la hiérarchie lamaïque après le Dalaï-lama) installe le siège de son pouvoir dans la vallée. Autour du monastère s’agglutinent des habitations et des commerces. L’emplacement est, il est vrai, stratégique : vallée fertile sur la route caravanière reliant la Transbaïkalie à la région de Ho-Hot et Pékin. En 1870, Ourga compte quelque 30 000 habitants pour quelque 10 000 moines. Un record ! S’ajoutent à cette population mongole vivant dans des yourtes quelques milliers de cosaques russes et de marchands chinois. Cent ans plus tard, la population totale d’Oulan-Bator s’élève à 200 000 âmes. Aujourd’hui, ils sont 632 000 à chercher fortune dans la capitale.


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