Interviews


Rue Jacques-Offenbach – Paris (France)
Année 2017
© David Adjemian

David Adjemian – Le turbin à Gille
propos recueillis par Matthieu Delaunay

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Quelle anecdote vous a convaincu de devenir chanteur ?
Le déclic a sans doute eu lieu à 18 ans, en écoutant Supplique pour être enterré à la plage de Sète de Georges Brassens. Une chanson époustouflante de plus d’une dizaine de couplets et qui dépasse les sept minutes ! Je la trouvais interminable et fascinante. J’ai senti qu’il y avait quelque chose. J’étais face à un chef-d’œuvre parce qu’il n’y manque rien, et qu’il n’y a rien en trop. Il y a du sens, il s’y passe quelque chose de grand… Je me suis dit que j’aimerais bien arriver un jour à un tel niveau de perfection.

Vous connaissez le fado, vous avez des origines arméniennes, quelles émotions s’expriment dans ces cultures que l’on ne retrouve pas dans la chanson française ?
Dans la culture arménienne, l’usage de la chanson est naturel : un chanteur, un public. Avec la professionnalisation de la musique en France, on vient davantage voir un chanteur qu’écouter une chanson. Dans le fado, il y a une vraie pratique traditionnelle mais vivante qu’on ne retrouve plus en France. Il n’est pas chanté partout au Portugal mais il est pratiqué par toutes les générations et les vieux conseillent les jeunes ! En France, on souffre de ce manque de transmission entre les générations…

Vous pratiquez la guitare, y a-t-il un instrument dont vous rêvez d’apprendre à jouer ?
À dire vrai, je déteste répéter et n’ai pas la patience pour exceller en tant que musicien. En chant, la voix est le seul instrument et c’est tout le corps qui vibre. Mais j’aime être accompagné parce que ça me laisse tout le loisir de m’engager. Jouer et chanter simultanément nécessite une concentration extrême qui empêche, selon moi, de vivre la chanson pleinement, intensément. Le meilleur exemple, c’est Brel : il a suffi qu’il lâche sa guitare pour donner toute sa mesure.

Comment procédez-vous pour écrire une chanson ?
Il faut surtout ne jamais forcer les choses. J’aime bien l’idée de n’être que le coauteur d’une chanson. Bien sûr, l’auteur en assure le développement, le processus créatif et c’est lui qui la porte. Mais ça ne sera jamais lui qui l’aura provoquée ; elle est venue, point. Lorsque j’écris mes chansons, c’est toujours un mystère. Par exemple, la chanson T’en souviens-tu ?, c’est une association d’idées entre mon amitié, mes années à Tolbiac, mon amour de Paris et du XIIIe arrondissement. Ni plus, ni moins.

Une strophe, un couplet ou une chanson ont-ils votre préférence ?
J’aime beaucoup « Avec un cul comm’ça, si tu fais pas fortune, ou bien ce s’ra la flemme ou bien ce s’ra qu’t’es con » de Bernard Dimey… ça me fait beaucoup rire. Mais il n’a pas écrit que celle-là ! J’aimerais tant savoir est aussi une merveille. De Brassens, je choisirai L’orage : une chanson émouvante, touchante, ciselée. De Brel, je garde Amsterdam. Il paraît d’ailleurs qu’il ne l’aimait pas, il la trouvait pleine de facilités. C’est tout de même prodigieux, fait de peu de chose : de sueur, de larmes, de frites, de morues… de vie !
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