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Népal, la nuit du chaman
par
le jeudi 4 juin 2009 à 20 heures 30


Contrée himalayenne, le Népal s’orne d’un relief qui, en coupe, représente une courbe quasi exponentielle. On passe du niveau de la mer (dans le Terai, au sud) à presque 9 000 mètres d’altitude à l’Everest sur la frontière avec la Chine, sur une distance record de seulement 200 kilomètres ! La région isolée du Dholaka s’étend du centre au nord-est du pays à une altitude variant de 2 000 à 4 000 mètres. Elle se compose de vallées difficilement accessibles, parfois densément boisées.
Issus des différentes castes qui constituent la société népalaise, les chamans sont encore nombreux dans ce pays aux traditions vivaces. Ils ont évidemment un rôle de guérisseur mais communiquent aussi avec l’esprit des morts quoique leurs rituels diffèrent légèrement selon les régions. Ils officient ainsi dans presque chaque village, notamment chez les Thamis, et revendiquent le fait de ne pas avoir de religion. Cependant, afin de ne pas être mis au ban de la communauté, ils ont accepté que leurs rituels s’enrichissent d’influences bouddhistes et hindouistes. Ils ont ainsi placé des tridents dans le temple dédié au dieu hindouiste Shiva, et dédié le sommet de leur montagne sacrée, qui est un lieu de pèlerinage, à Kali, la déesse noire du panthéon hindou.
Les chamans thamis récitent également des mantras bouddhistes mais vénèrent Bhume, l’esprit de la Terre, pour qui ils érigent des temples dans des sites naturels spectaculaires. Des cérémonies et des dépôts d’offrandes y ont lieu, pour célébrer les mariages ou les naissances, mais il s’y tient chaque année un rituel dont dépend véritablement la survie de la communauté : tous les chamans de la région unissent leurs pouvoirs pour convier l’esprit des ancêtres au cœur de la forêt, l’y capturer puis l’emmener sur un sommet, à 3 500 mètres d’altitude, afin qu’il protège les habitants durant l’année à venir. C’est un défi périlleux, incertain. Déranger les esprits exige une grande maîtrise de la part des chamans, qui prennent les précautions nécessaires pour se protéger au cours de cérémonies secrètes et macabres. Le rituel de l’appel des esprits a lieu la nuit, à la pleine lune, dans le cimetière.


En 1996, Véra Frossard s’installe au Népal, où elle vivra six ans. Attirée par les phénomènes et croyances étranges, elle réalise dans un premier temps un film sur la tradition orale liée au yéti. C’est ensuite avec attention qu’elle écoute un ami népalais évoquer les pouvoirs exceptionnels d’un septuagénaire, Jankiri, ce qui signifie « chaman ». En Jeep puis à pied, comme c’est souvent de mise au Népal en raison du relief accidenté, Véra Frossard rejoint en 2006 le Dholaka, puis la vallée isolée de celui qu’elle considère d’abord comme un simple guérisseur. A priori, rien ne distingue en effet ce vieux paysan voûté de ses voisins : il cultive les champs qui entourent sa maison, trie son maïs, coupe le bois dans la forêt proche… À ses côtés, Véra Frossard découvre la pauvreté de l’ethnie minoritaire des Thamis, population à peine répertoriée, peu éduquée et spoliée de ses meilleures terres par les castes supérieures des Brahmanes et des Chettris. Elle fait surtout partie des premiers étrangers autorisés à assister aux rituels de Jankiri, durant lesquels elle a observé des phénomènes inexpliqués…
En mars 2007, elle retourne auprès du vieil homme mais rien ne se passe comme la première fois : les chamans de la vallée ayant probablement décidé que l’appel des esprits qu’ils réalisent chaque année au cimetière, à la pleine lune, devait rester secret ne montrent à Véra Frossard qu’un simulacre de rituels. Aussi n’est-ce qu’à la fin de cette année-là que la Française pourra enfin filmer les cérémonies nocturnes. Entre-temps, elle se documente, notamment sur les objets utilisés par les chamans lors des rituels, et s’entretient avec des ethnologues spécialistes du Népal.




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