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À skis au pôle Nord
par
le jeudi 23 novembre 2006 à 20 heures 30


Le réchauffement climatique viendra peut-être mettre un terme aux tentatives de franchissement de la calotte polaire à skis. En 2001 déjà, parti du cap Artikchevski, en Sibérie, Arnaud Tortel n’avait pu finir sa traversée pour atteindre la côte canadienne. En 2004, Dominick Ardouin a mystérieusement disparu au deuxième jour de sa tentative depuis la base continentale russe de Sredny, et Frédéric Chamard-Boudet a traversé la glace trois jours après l’avoir quittée et n’a dû sa survie à cinq minutes dans l’eau glacée qu’à son évacuation par avion pour sauver ses mains et ses pieds gelés. En 2006, le Suisse Thomas Ulrich, qui avait lui aussi tenu à partir du cap Artikchevski en dépit de la mer qui le baignait, a déclenché l’alerte dès le premier jour et n’a été secouru qu’au bout de trois jours et demi. Pourtant, année après année, dans la lignée de ceux qui partirent de l’île Ward Hunt, au nord de la terre d’Ellesmere, l’Américain Robert E. Peary (avec trois autres en 1909), du Britannique Wally Herbert (avec assistance en 1969), du Japonais Naomi Uemura (avec des chiens en 1978) et du docteur Étienne (avec assistance en 1986), ils sont nombreux à tenter ce qui devient de plus en plus difficile. La chute de l’Union soviétique et l’altération de la banquise sont deux des raisons pour lesquelles les aventuriers actuels préfèrent partir de la base dérivante russe installé chaque année à 120 kilomètres du pôle Nord. Et sans doute ce que le Norvégien Borge Ousland a accompli en 1994 – la traversée intégrale de la calotte polaire, en solitaire, mais avec assistance – deviendra bientôt impossible.


Réalisateur, Jean-Gabriel Leynaud a filmé quelques-uns des plus grands aventuriers de notre temps, de l’Everest au Sahara, des volcans en activité aux deux pôles. Raconter les histoires des autres et partager une partie de leurs aventures ne lui suffisaient plus. L’envie de réaliser lui-même une expédition polaire et de la filmer lui est venue en 2002, au moment même où l’amour frappait à la porte de sa tente, à 100 kilomètres du pôle Nord. C’est en effet là qu’il a rencontré Bettina Aller, la première femme scandinave à avoir rallié le pôle à skis. Elle en est alors à sa deuxième tentative. Mère de deux enfants et directrice d’une société internationale d’édition qui emploie plus de deux mille personnes, elle a fait ses armes d’exploratrice en jungle et a, à deux reprises, été contrainte de renoncer à atteindre le pôle Nord en solitaire depuis la Sibérie. Par deux fois, c’est une rencontre avec des ours qui l’a obligée à abandonner. Ainsi, en 2002, un individu l’avait attaquée pendant son sommeil et poursuivie deux jours durant ; pour sauver deux de ses doigts qui étaient gelés d’avoir tenu trop longtemps le fusil, elle dut alors interrompre sa tentative.
Ayant fait connaissance sur la banquise, il est alors apparu comme une évidence à ces deux aventuriers qui s’étaient rencontrés si près du pôle d’y retourner ensemble. Jean-Gabriel Leynaud a ainsi estimé que, ayant trimballé son matériel dans les endroits les plus inaccessibles du monde dans des circonstances extrêmement difficiles parfois, il était sans doute capable de réussir lui-même une expédition. En outre, pour avoir été amené à utiliser des images de qualité non professionnelle faites par les aventuriers, il avait l’envie de filmer une histoire de bout en bout. Enfin et surtout, après avoir passé des années à observer des gens qui tous cherchaient à repousser leurs limites, il se demandait où étaient les siennes. Son expérience professionnelle l’avait habitué aux prises de vue difficiles, aussi est-il revenu du raid de 2004 avec une matière assez unique : photos sous-marines, images de tempête et de blizzard, et même, filmé dans la plus complète panique, du pack qui se brisait tout autour d’eux, les obligeant à fuir. Plus que tout, il s’est attaché à raconter une belle histoire. Bettina Aller est un personnage qui a su faire partager ses émotions, qu’elle soit triste, désespérée ou joyeuse, qu’elle chante ou danse le rock sur la glace.
En 2006, le couple est reparti pour la traversée de la calotte polaire, de la côte sibérienne à la côte canadienne, via le pôle. Après 1 500 kilomètres à skis effectués en 99 jours, Jean-Gabriel Leynaud et Bettina Aller durent se rendre à l’évidence que les 250 kilomètres restant pour atteindre l’île Ward Hunt étaient impossibles à franchir, du fait de la débâcle.




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