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Marseille – Bouches-du-Rhône (France)
Année 2010
© Michèle Giovannangelli
Danseur de tango et sociologue de la danse.

Une façon de tenir debout :


« Ce soir de l’automne 1983, sur la scène du Châtelet, tous les éléments du stéréotype sont réunis : lampadaire, chapeau noir, foulard blanc, robe fendue et air ténébreux. On ne sait pas au juste si c’est ce spectacle qui ultérieurement a inspiré la prolifération d’images d’Épinal du tango, ou bien si celles-ci préexistaient comme une étendue d’eau dormante dans laquelle le metteur en scène Claudio Segovia aurait puisé. En conformité avec son imaginaire, le résultat fut fatal. Ce spectacle fut un éclair, insinuant une envie de s’approprier cette gestuelle d’apparence magique où les jambes tricotent, où les corps se meuvent dans des diagonales vertigineuses, hésitant entre l’arrêt, la séparation ou la fusion d’une course allègre. Quelque chose faisait corps, pas seulement dans un coin du plateau, mais en connexion avec un partenaire. À l’exception des chanteurs, Roberto Goyeneche notamment, qui brandissait magnifiquement sa solitude avec sa voix bourbon, pas de corps esseulé, pas d’énergie repliée sur soi, pas d’esprit de soliste. Pas davantage de fantasme autour de l’harmonie du couple, sous-entendant que tout glisse et roule dans la meilleure des coexistences entre les sexes. Non, un accord simple des corps et des envies pour s’élancer et parcourir un bout de chemin, accompagné par ces musiques étranges, aussi insaisissables que les volutes ambrées d’un cigare cubain. En présentant la diversité du répertoire musical, ce spectacle rappelait qu’il y avait de la valse et de la milonga dans le tango. Sa force et sa nouveauté provenaient également du déplacement du tango des salles tristes des thés dansants au plateau de l’un des plus prestigieux théâtres parisiens, situé au cœur de la ville et ayant accueilli les Ballets russes au début du XXe siècle. Les chapeaux noirs et les costumes croisés, l’âge même de certains interprètes comme Elvira et Virulazo, sonnaient différemment dans ce cadre. La sacralisation du lieu a joué pleinement son rôle dans la résurgence du tango dansé.
J’avais 20 ans et, ce soir-là, au théâtre du Châtelet, le tango est entré dans ma vie. »


Extrait de :

Les Audaces du tango, Petites variations sur la danse et la sensualité
(p. 24-26, Transboréal, « Petite philosophie du voyage », 2012, rééd. 2018)

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