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Tenant un moloch de l’espèce M. horridus, Punmu – région du Pilbara (Australie)
Année 2010
© Nick Anderson
Architecte d’intérieur. A séjourné à six reprises en Australie.

Kalgoorlie, porte d’entrée :


« Passé Menzies, je pédale au centre d’une plaine rouge aux reliefs doux. Rien de remarquable n’entrave le regard ; la route forme une succession de ponts suspendus entre les horizons. De ces faibles promontoires, le bush dévoile sa beauté infinie. Hors des voies touristiques, je croise peu de véhicules. La région offre un visage différent à mesure que je gravis les latitudes et dévoile un charme qui incite à mettre pied à terre, à randonner pour l’admirer pleinement. À vélo, j’ai le sentiment de m’en imprégner à chaque seconde, d’en emplir mes poumons à chaque inspiration. Toute halte est l’occasion de découvrir les alentours, d’ajouter une nouvelle fleur à mon herbier ou de suivre des empreintes qui mènent à un terrier. La route m’appartient même si, parfois, je m’écarte pour laisser place aux road trains trop paresseux pour me contourner. Trompé par les mirages, je vois le bitume se liquéfier sous la chaleur accablante qui bourdonne dans ma tête. Au ras du sol, la température atteint allègrement les 45 °C, une fournaise pour les goanna impatients, qui traversent devant moi dans ce qui semble être une brûlure insoutenable. Dressés sur leurs pattes postérieures, ils survolent furtivement le bitume ardent avec une agilité telle qu’ils pourraient se maintenir à la surface d’un étang.
Je leur cède volontiers cet empressement car les pages de mon agenda sont blanches. Ignorer l’horloge est mon luxe. Malgré mes 100 kilomètres quotidiens, les journées sont à l’image du paysage qui m’entoure : longues, identiques et empreintes d’une langueur méditative. Le temps s’étire et se rétracte. Je m’égare dans le souvenir flou des heures écoulées, je ne m’accroche qu’aux éléments du paysage pour fixer les jalons temporels de mes étapes : une éolienne dominant le couvert épars de la végétation, un véhicule émergeant de l’horizon ou bien la puanteur d’une carcasse animale séchant au soleil. Mon seul repère reste l’ombre qui tourne, fidèle, autour de moi. Je la traîne, la poursuis ; elle se laisse happer par mes roues. Lorsque enfin elle s’allonge à l’infini, il me faut songer à camper. »


Extrait de :

Aborigènes, Avec les derniers nomades d’Australie
(p. 28-29, Transboréal, « Sillages », 2015 ;
« Voyage en poche », 2021)

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